Beaucoup de clients, quand ils s’adressent à leur imprimeur, demandent à utiliser du papier recyclé par souci de durabilité. L’intention est bonne, mais elle repose sur une idée reçue : celle que le papier recyclé serait forcément meilleur pour la planète que le papier de « fibres vierges ». En fait, c’est plus compliqué que ça…
Imprimer, ça consomme du papier pour lequel il a fallu abattre des arbres. L’équation paraît simple : avec du papier recyclé, on abat moins d’arbres, donc c’est meilleur pour l’environnement. Pas faux, mais pas tout-à-fait vrai non plus. D’abord, parce que le recyclage ne remplace pas la fabrication de papier vierge : ce sont deux étapes d’un même cycle. Ensuite, parce que l’impact écologique du papier n’est pas forcément celui qu’on croit.
Une ressource renouvelable, une matière recyclable
Le papier – vierge ou recyclé – possède un gros avantage écologique : il provient d’une ressource naturelle renouvelable. Pour autant que la forêt soit gérée durablement, les arbres abattus sont replantés et repoussent (captant du CO2 au passage). Pour garantir cette gestion durable, il existe des labels forestiers qui s’appliquent à une très grande variété de papiers.
Autre avantage du papier : il se prête très bien au recyclage. Récolté et désencré, il fournit une nouvelle matière première – dont l’industrie papetière a d’ailleurs bien besoin pour compléter ses ressources. Le recyclage atteint déjà des taux élevés en Europe. La Belgique figure même parmi les meilleurs élèves à cet égard, puisqu’on y recycle plus de 90% des papiers-cartons.
L’inconvénient, c’est que le processus a ses limites : la fibre se dégrade au fil des cycles. Elle est réutilisée dans des usages moins nobles, comme le papier journal ou les cartons, avant de finir à l’incinération (et fournir de l’énergie). Mais il n’est pas possible de la recycler plus de 5 ou 6 fois. Conséquence : si l’on n’utilisait que du papier recyclé, on tomberait rapidement… à court de papier !
Opposer la fabrication de papier vierge et le recyclage n’a donc pas beaucoup de sens : ces deux étapes sont complémentaires dans le cycle du papier. L’une dépend de l’autre : sans papier vierge, pas de recyclage ; sans recyclage, plus assez de pâte à papier… La demande de papier recyclé n’y change finalement pas grand-chose.
Le paradoxe de l’empreinte carbone
En fait, le principal impact écologique de la production papetière se trouve ailleurs : avant tout dans la consommation d’eau et d’énergie. C’est qu’il faut beaucoup d’énergie pour réduire le bois en pâte, pour cuire la pâte, puis la sécher pour former le papier. Il faut aussi beaucoup d’eau : la pâte à papier en contient environ 90%.
De ce point de vue, le papier recyclé présente de réels avantages : il consomme moins d’énergie et moins d’eau. Cependant, son « empreinte carbone » n’est pas forcément inférieure à celle du papier vierge. Pourquoi ?
Voici une quinzaine d’années, une étude très poussée avait été menée en Grande-Bretagne par le Carbon Trust pour examiner l’empreinte carbone d’un journal, imprimé sur différents papiers. Deux enseignements en ressortaient :
- D’une part, c’est bien le papier qui représente la majeure partie des émissions liées à la fabrication d’un imprimé (jusqu’à 70%, loin devant le processus d’impression et le transport) ;
- D’autre part – et c’est beaucoup plus étonnant – l’empreinte carbone du papier 100% recyclé britannique s’est avérée… nettement supérieure à celle du papier 50% recyclé importé de Suède. La clé de ce mystère se trouve dans le « mix énergétique » : hydroélectrique et nucléaire en Suède ; gaz et charbon en Grande-Bretagne. Du point de vue des émissions de CO2, mieux valait donc importer du papier suédois semi-recyclé, plutôt que d’utiliser un papier recyclé local…
« Naturel » n’est pas forcément « recyclé »
Bien entendu, en termes de communication, il peut être préférable d’utiliser un papier recyclé si l’on veut porter un message de respect de l’environnement. Mais là encore, il y a des malentendus : quand le papier présente une surface un peu rugueuse et un ton mat, beaucoup de clients pensent qu’il s’agit d’un recyclé. Souvent, ce n’est pas le cas : il s’agit d’un papier « non-couché », qui ne contient pratiquement que de la fibre de bois (on parle aussi de « papier naturel » ou de « papier offset », quoique les termes prêtent à confusion). Les papiers de ce genre peuvent contenir des fibres recyclées mais, très fréquemment, ils sont composés de fibres vierges…
Si vous êtes soucieux de durabilité, faites un choix éclairé : parlez-en avec votre imprimeur. Il pourra vous conseiller utilement.